Un cercle vicieux s’installe” : la vraie raison pour laquelle le sucre attaque vos dents

Un cercle vicieux s'installe" : la vraie raison pour laquelle le sucre attaque vos dents

Depuis l’enfance, on nous met en garde contre les bonbons. Pourtant, derrière chaque bouchée sucrée, un mécanisme discret s’emballe dans la bouche.

Ce mécanisme ne vise pas directement l’émail. Il commence dans la plaque qui tapisse les dents et finit par des attaques répétées, bien après la dernière gorgée de soda.

Pourquoi le sucre n’attaque pas l’émail directement

Le sucre nourrit des bactéries du biofilm dentaire, notamment Streptococcus mutans et des lactobacilles. Ces micro-organismes transforment les sucres libres en acides organiques, surtout l’acide lactique. Le pH baisse vite à la surface de la dent. Lorsque la valeur franchit le seuil d’environ 5,5, les cristaux d’hydroxyapatite se dissolvent. La dent perd des minéraux. Cette phase s’appelle la déminéralisation.

Après un apport sucré, la courbe dite de Stephan décrit cette chute de pH puis la remontée progressive grâce à la salive. Plus les prises sucrées s’enchaînent, plus la courbe reste dans la zone acide. L’émail se fragilise. La dentine finit exposée. Une cavité s’installe.

Ce n’est pas le sucre qui perce la dent, ce sont les acides produits par des bactéries alimentées par ce sucre.

Le saccharose joue un rôle particulier. Les bactéries utilisent ce sucre pour fabriquer des polysaccharides collants (glucanes). La plaque devient plus épaisse et plus adhérente. Le rinçage naturel par la salive diminue. L’acidité persiste plus longtemps.

La fréquence compte plus que la quantité

Un gâteau englouti en une prise entraîne une acidité ponctuelle. Quatre biscuits grignotés sur deux heures prolongent l’acidité et sélectionnent des bactéries qui tolèrent mieux les milieux acides. Ce phénomène crée un cercle d’auto-entretien.

La répétition des expositions sucrées pèse davantage sur le risque de carie que la dose totale ingérée dans la journée.

Les boissons sucrées acides (sodas, thés glacés, jus) cumulent deux effets. Le sucre nourrit les bactéries, l’acidité initiale des boissons abaisse déjà le pH. La fenêtre d’attaque s’allonge. Les versions “light” sans sucre restent acides. Elles ne nourrissent pas la plaque, mais entretiennent l’érosion si les gorgées se répètent.

La salive, un bouclier qu’on sous-estime

La salive tamponne les acides et apporte calcium, phosphate et fluor. Un débit réduit (stress, respiration buccale, tabac, déshydratation) ou des médicaments anticholinergiques, antidépresseurs, antihistaminiques, exposent davantage. Les porteurs d’aligneurs, d’appareils ou de prothèses partielles retiennent plus de plaque. La plaque se niche dans les zones difficiles à nettoyer.

Certains contextes accroissent encore le risque: reflux acides, vomissements répétés, travail de nuit avec grignotage, sports d’endurance accompagnés de boissons énergétiques.

Comment l’émail se répare… jusqu’à un certain point

Entre deux attaques acides, la reminéralisation s’amorce. Le fluor renforce cette réparation en favorisant la formation de fluorapatite, plus résistante à l’acide. Un brossage biquotidien avec un dentifrice fluoré autour de 1 450 ppm chez l’adulte constitue la base. Chez l’enfant, la concentration varie selon l’âge; demandez une recommandation adaptée au risque carieux.

Le brossage régulier au fluor déplace l’équilibre vers la réparation et freine la progression des lésions initiales.

Les bains de bouche au fluor, utilisés le soir, prolongent l’effet. Les vernis professionnels s’adressent aux risques élevés. Le xylitol, sous forme de chewing-gum, stimule la salivation et gêne certaines souches bactériennes. Il ne remplace pas le brossage.

Signes précoces et gestes qui changent tout

Avant le trou, la carie ressemble à une tache blanche crayeuse près du collet. Cette zone rugueuse accroche légèrement. Une sensibilité au froid ou au sucre peut apparaître. À ce stade, un renforcement de l’hygiène et du fluor stoppe souvent la lésion.

  • Limiter les expositions sucrées à 4 moments par jour au maximum, repas compris.
  • Garder les desserts au sein du repas, pas en grignotage isolé.
  • Boire de l’eau en boisson principale. Réserver les sodas et jus pour des occasions ponctuelles.
  • Attendre 30 minutes après un soda ou un jus avant de se brosser pour éviter d’user un émail ramolli.
  • Se brosser 2 fois par jour, 2 minutes, avec un dentifrice fluoré. Utiliser du fil ou des brossettes interdentaires 1 fois par jour.
  • En cas de bouche sèche, fractionner l’eau, mâcher un chewing-gum sans sucre, consulter pour adapter les traitements.

Aliments et boissons: effets comparés

Aliment/boisson Sucres (pour 100 ml/g) pH moyen Impact cariogène
Soda au cola 10-11 g 2,5 Élevé (sucre + acidité forte)
Jus d’orange 8-9 g 3,5 Élevé si siroté longtemps
Bonbon dur 60-70 g ≈ neutre Élevé (exposition longue en bouche)
Chocolat noir 70% ≈ 30 g 5,5-6 Modéré, exposure courte si mangé au repas
Yaourt nature non sucré ≈ 4 g (lactose) 4,5 Faible, effet tampon du calcium
Eau du robinet 0 g 7 Négligeable, rince la plaque
Chewing-gum sans sucre (xylitol) 0 g ≈ neutre Faible, stimule la salive

Ce qui piège le plus de monde au quotidien

Le café sucré siroté le matin, les gorgées de boisson énergétique pendant l’entraînement, les bonbons “pour se donner un coup de fouet” au bureau, le jus servi en gourde que l’on avale par petites gorgées: ces usages multiplient les pics acides. Les barres collantes s’incrustent dans les sillons des molaires. Les biscuits “sans sucre ajouté” restent cariogènes si riches en amidons raffinés: la plaque peut les transformer en acides.

Le miel, le sucre brun, le sirop d’agave ne changent pas la donne pour les dents. Leur image “naturelle” n’annule pas la fermentation par la plaque. La même vigilance s’applique aux boissons “light” très acides: le risque se déplace vers l’érosion, surtout si la langue et les joues frottent un émail fragilisé.

Chiffres repères et cap réaliste

La recommandation courante fixe les sucres libres en dessous de 10% de l’apport énergétique total, avec un bénéfice supplémentaire sous 5%. Pour la santé dentaire, la cible la plus parlante concerne la fréquence: pas plus de 4 expositions sucrées par jour, en privilégiant les repas. Une routine de brossage au fluor et des contrôles semestriels complètent l’équation.

Moins de “petites gorgées” et plus d’habitudes groupées autour des repas: un changement simple qui allège la charge acide de la journée.

Que faire si l’on a déjà des fragilités

Demander un bilan de risque carieux permet d’ajuster le plan d’action: prescription de dentifrices à plus forte teneur en fluor, vernis en cabinet, recommandations alimentaires ciblées, gouttières fluorées en cas de sécheresse buccale sévère. Un dépistage de reflux gastro-œsophagien s’impose si l’émail s’use malgré une hygiène correcte.

Pour aller plus loin dans la prévention

Deux notions méritent d’être mieux comprises. D’abord, la “fenêtre d’attaque” dure 20 à 40 minutes après une prise sucrée. Une gorgée toutes les 10 minutes relance la minuterie. Regrouper les apports réduit cette fenêtre. Ensuite, l’alignement des trois leviers — contrôle du sucre, hygiène au fluor, salive — résume la stratégie gagnante. Renforcer un seul levier aide, mais l’effet devient net quand les trois avancent ensemble.

Exemple pratique: pendant une après-midi de travail, garder une bouteille d’eau à portée, mâcher un chewing-gum sans sucre 10 minutes après le déjeuner, prendre le café sans sucre ou le boire d’un trait avec un verre d’eau, puis brosser le soir avec un dentifrice fluoré. Ce scénario réduit le temps passé sous le seuil critique de pH et freine la sélection de bactéries acidophiles.

Comments

1 response to “Un cercle vicieux s’installe” : la vraie raison pour laquelle le sucre attaque vos dents”

  1. Elodie Avatar
    Elodie

    Article super instructif. J’ignorais que la courbe de Stephan prolonge l’acidité bien après la dernière gorgée. Du coup, mieux vaut un dessert au repas que des grignotages, ok. Question: pendant un jeûne intermitent, un café noir cassera‑t‑il vraiment la “fenêtre d’attaque”, ou c’est surtout le sucre/l’acidité qui comptent ? Et pour un dentifrice à 1 450 ppm, c’est adapté si on a déjà une tache blanche, ou faut-il passer à plus dosé ?

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