Le comédien français Tchéky Karyo est mort à l’âge de 72 ans

Une silhouette rare, une voix grave, des rôles marquants: du polar à la comédie, un parcours singulier, entre France et monde.

Son nom a accompagné plusieurs générations de spectateurs. Dans les salles comme sur les plateaux télé, il a imposé une présence physique et un regard qui racontaient déjà une histoire. Sa trajectoire croise des films populaires, des productions indépendantes et des séries britanniques remarquées.

Un visage familier du grand public

Tchéky Karyo appartient à cette famille d’acteurs que l’on reconnaît d’emblée. Chaque apparition attire l’œil. Son jeu s’appuie sur l’économie de gestes, la précision du verbe, une diction posée. Il ne cherchait pas la démonstration. Il installait une tension sourde, parfois un contrepoint tendre dans un récit nerveux. Cette dualité a nourri des rôles d’autorité, de mentors ambigus, d’antagonistes raffinés et de figures mélancoliques.

Né à Istanbul en 1953, il a grandi en France puis s’est fait une place dans le paysage cinématographique au début des années 1980. La Balance, où il incarne Petrovic, lui offre une nomination au César du meilleur espoir masculin. La suite confirme un appétit de jeu sans étiquette, allant du thriller aux comédies les plus culte.

Vendredi 31 octobre 2025, sa famille a annoncé son décès des suites d’un cancer. Il avait 72 ans.

Une carrière tissée de rendez-vous marquants

Des rôles qui ont marqué des générations

Au cinéma, sa fidélité à certains metteurs en scène a compté. Avec Luc Besson, il passe du mentor protecteur de Nikita au traître insaisissable du Cinquième Élément. Il traverse aussi des productions américaines et installe un méchant glaçant dans Bad Boys. Les amateurs de clins d’œil se souviennent de sa présence dans La Cité de la peur, et de son apparition dans Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Chaque détour agrandit son territoire de jeu, sans renier une exigence de rôle.

• 1982 – La Balance: un rôle charnière, nomination au César du meilleur espoir.
• 1990 – Nikita: le mentor, mélange de rigueur et d’humanité.
• 1995 – Bad Boys: un antagoniste aux manières froides, immédiatement repérable.
• 1997 – Le Cinquième Élément: une figure trouble, au cœur d’un récit futuriste.
• 1994 – La Cité de la peur: une entrée burlesque, devenue souvenir de cinéphiles.
• 2001 – Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain: un clin d’œil discret, vite repéré par les fans.
• 2014-2021 – The Missing puis Baptiste: le commissaire Julien Baptiste, rôle pivot à l’international.

Son rayonnement dépasse les frontières grâce à la télévision britannique. Le commissaire Julien Baptiste, dans The Missing puis dans la série dérivée Baptiste, cristallise sa capacité à rendre palpables la patience, le doute et l’obstination. La télévision lui a offert un nouvel espace, sans rien retrancher à son aura de cinéma.

Une présence au théâtre et en musique

Il a aussi foulé les planches à plusieurs reprises. Le plateau lui permettait d’exposer un autre rythme, plus frontal. Artiste complet, il a publié plusieurs albums, où l’on retrouvait ce grain de voix identifiable, des textes sensibles, des arrangements qui privilégiaient l’authenticité.

Les derniers mois, entre maladie et création

Selon ses proches, Tchéky Karyo est mort des suites d’un cancer. Paris Match a évoqué un décès en Bretagne, une région chère à son cœur. Marié depuis 1997 à l’actrice Valérie Kéruzoré, il était père de deux filles, Louise et Liv. Le calendrier dit une réalité plus intime: malgré la maladie, il n’a pas cessé de créer.

Dernière apparition publique: 4 octobre 2025, soirée de clôture de la 7e édition du festival Cineroman à Nice.

La veille, il y présentait Le Papillon d’acier, court métrage en course pour les prochains Césars. Il a également tourné Rapide, une comédie d’action réalisée en 2025 par Morgan S. Dalibert. Cette fidélité au plateau jusqu’au bout raconte un rapport au travail exigeant et lumineux.

Marié à Valérie Kéruzoré depuis 1997, père de Louise et de Liv, il laissait l’image d’un homme discret, attaché aux siens.

Ce que son parcours dit du cinéma français

Sa filmographie rappelle la porosité entre cinéma d’auteur et divertissement populaire. Il passait d’un tournage intimiste à un plateau à gros budget sans perdre sa ligne: densité, sens du rythme, refus de la caricature. La collaboration avec Luc Besson en offre une lecture claire: un acteur capable d’habiter des univers opposés, de jouer la chaleur ou la menace.

Sa reconnaissance au Royaume-Uni à travers Julien Baptiste éclaire un autre mouvement: un public international réceptif à un jeu français dépouillé et profondément incarné. L’alliance entre fragilité et autorité, marque de fabrique, trouve ici un terrain idéal. Beaucoup de comédiens cherchent cette zone. Lui l’avait trouvée.

Repères chronologiques

Hommages à venir et pistes pour revoir ses œuvres

Les chaînes programment souvent des rediffusions après la disparition d’un acteur. Les catalogues de vidéo à la demande alternent selon les droits. Un cycle personnel se construit facilement en jouant la diversité: un polar français des années 1980, un grand film international des années 1990, une comédie culte, puis la série Baptiste pour mesurer l’ampleur du personnage.

Trois propositions simples pour embrasser sa palette:

• Un diptyque Nikita / Le Cinquième Élément pour voir la tension et l’ambiguïté.
• Une soirée La Cité de la peur suivie de Bad Boys pour confronter burlesque et action.
• Un week-end The Missing puis Baptiste pour suivre l’arc de Julien Baptiste.

Notes sur les Césars et la vie des courts métrages

Le court métrage occupe une place à part dans le paysage français. Il sert souvent de laboratoire formel et d’espace de liberté pour des auteurs confirmés. Les Césars distinguent chaque année un court, après un parcours en festivals et des sélections officielles. Le Papillon d’acier illustre cette vitalité: durée brève, geste précis, circulation en événements spécialisés, échos dans la presse spécialisée, rencontres avec le public.

Pour prolonger l’expérience, une séance commentée s’imagine aisément chez soi: visionnage, prise de notes sur le ton, l’ellipse, les ruptures de rythme, puis comparaison avec un long métrage du même acteur. Ce va-et-vient aiguise le regard, fait ressortir les constantes de jeu et révèle des nuances passées inaperçues en première vision.

Ce que retiennent partenaires et spectateurs

Le mot qui revient souvent à propos de Tchéky Karyo tient à la sincérité du regard. Il ne surjouait pas l’intensité. Il posait une écoute. Face caméra, cette écoute crée un temps suspendu qui densifie la scène. Au théâtre, ce même cap fixe l’attention. Au disque, la voix raconte, presque en confidence. Ces lignes forment une cohérence rare.

Le public conservera des images précises: un couloir silencieux dans Nikita, une joute à mots pesés dans un commissariat, une silhouette derrière un écran de projection, un enquêteur qui ne lâche rien. Autant de signaux qui expliquent l’attachement durable et la place qu’il occupe déjà dans la mémoire du cinéma français.